J’ai soutenu mardi 1er mars 2022 à la tribune de l’Assemblée nationale la demande du Président Zelensky d’obtenir pour l’Ukraine le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne.
Je vous partage ci-dessous l’intégralité de mon discours (vous pouvez également retrouver la vidéo de mon discours ici) :
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mes chers collègues,
Depuis près d’une semaine, la guerre fait rage en Ukraine, près de nous, au cœur de l’Europe. Non pas aux portes de l’Europe comme nous l’entendons encore trop souvent, mais en Europe, chez nous, sur notre continent.
Refusant la main tendue du dialogue diplomatique, Vladimir Poutine a entraîné la Russie dans une guerre fratricide. Et en attaquant un pays souverain, démocratique et pacifique, il a fait un choix délibéré : celui de l’inhumanité.
À ce stade, les combats font rage et les Ukrainiens luttent pour leur survie et leur liberté. Il s’agit d’une offensive d’une violence inouïe, d’une négation des principes humanitaires les plus essentiels. Poutine frappe indistinctement les cibles civiles et militaires.
Car cette guerre est totale, brutale, massive. Elle n’est pas ciblée, comme la propagande russe cherche à le faire croire. Ce sont des enfants, des femmes et des hommes innocents qui sont les victimes des chars, des missiles et des tirs, ou qui sont obligés de fuir leur pays par centaines de milliers et dans des conditions effroyables. Aujourd’hui, le peuple ukrainien est un peuple martyr et le seul responsable de ce martyr se trouve à Moscou et se nomme Vladimir Poutine.
Face à cette situation, je voudrais tout d’abord exprimer ma solidarité avec tous ceux qui souffrent, dire à nos amis ukrainiens que nos pensées les accompagnent, que leurs souffrances nous bouleversent et que nous ferons tout notre possible pour apporter à la résistance ukrainienne l’aide dont elle aura auront besoin.
Mes chers collègues, l’Ukraine est attaquée car elle fait le choix avec la révolution de Maidan en 2014 de se tourner vers l’Europe. Non pas vers l’OTAN comme la propagande russe relayée en France veut le faire croire. Mais vers l’Union européenne.
Elle n’est pas attaquée pour ce qu’elle fait : elle n’agresse, ni ne menace personne. Elle est attaquée pour ce qu’elle est : un pays libre, démocratique et ouvert qui regarde vers l’Europe.
En France, certains veulent réécrire l’histoire de cette guerre, inverser les responsabilités pour dédouaner Poutine.
Ils condamnent en chœur ce qui se passe, mais continuent à vouloir expliquer, à justifier, les actes du tyran russe au prétexte que la Russie se sent menacée par la présence de l’OTAN et de l’Union européenne.
En faisant cela, ils mettent sur un même plan l’agresseur et l’agressé. Les États-Unis n’ont pas annexé l’Ukraine dans l’OTAN, c’est la Russie qui l’envahit. L’Ukraine n’est pas dans l’OTAN mais pourtant aujourd’hui ce sont les bombes russes qui tombent sur les civils ukrainiens.
Mes chers collègues, nous l’avons compris, l’Ukraine est une cible parce qu’elle nous ressemble. Parce qu’elle croit en la démocratie libérale, respectueuse de l’individu, des minorités, des droits fondamentaux. Cette guerre, au fond, est une guerre contre l’Europe, contre ce qui fonde notre identité d’Européens.
Les citoyens d’Europe l’ont d’ailleurs parfaitement compris. De Paris à Berlin, de Prague à Amsterdam, une marée humaine de plusieurs centaines de milliers de personnes a déferlé dans les rues pour crier sa colère. Le peuple européen, dont certains nient encore l’existence, a dit non à la guerre.
Je salue aussi le courage de ceux qui, en dépit des risques qu’ils encourent, manifestent leur révolte contre cette guerre au cœur même de la Russie. Ils sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le pense. Cette guerre n’est pas la leur, mais celle d’un homme aveuglé par sa volonté de puissance, par son refus obstiné de la démocratie.
Dans ces moments si singuliers, chacun a ressenti le tournant de l’histoire que nous sommes en train de vivre.
Nous savons que notre avenir commun, que notre capacité, à nous Européens, de faire vivre notre modèle dans ce siècle se décident maintenant.
Nous comprenons que si nous ne sommes pas capables de résister maintenant, alors nous perdrons tout ce que nous avons construit : la liberté, la paix et la sécurité pour les générations à venir en Europe.
Poutine ne veut pas seulement rayer l’Ukraine de la carte, il veut redéfinir à sa manière l’ordre de sécurité sur notre continent.
Ce moment de bascule, les dirigeants européens l’ont saisi. Là où Poutine espérait la division, il a trouvé un front uni. Là où il pensait voir l’Europe se disloquer, il la voit se renforcer comme jamais.
Face à cette guerre, dans cette situation d’urgence, nous devons agir avec détermination. C’est que nous faisons avec nos partenaires en prenant des sanctions dures et en apportant notre soutien à la résistance ukrainienne.
1/ En l’espace d’un week-end, la Russie se trouve déconnectée du système de paiements internationaux, empêchée de convertir ses réserves en devises, privée de produits essentiels pour son économie et mise au ban de la communauté internationale. L’objectif est clair : affaiblir sa capacité à financer cette guerre.
2/ Mais cet isolement ne saurait être exclusivement économique et financier. En quelques heures, tout le ciel européen a été interdit aux avions russes, publics ou privés. Plus d’atterrissages, plus de décollages, ni de survols, pas plus pour Aeroflot, que pour les jets privés des oligarques.
Ce processus d’isolement doit se poursuivre en renforçant les sanctions contre les oligarques et les proches de Vladimir Poutine, en gelant leurs avoirs et en saisissant leurs biens.
Il n’y a pas de place pour les oligarques de Poutine dans notre Europe.
La pression doit aussi s’exercer sur les alliés de la Russie et en particulier le dictateur Bélarus Lukashenko qui prend désormais une part active dans cette guerre et qui réprime son peuple courageux, qui n’hésite pas à manifester son soutien à l’Ukraine.
Cet isolement, nous devons aussi le mener sur le champ de l’information et de la communication. Nous avons été nous Européens trop naïfs, trop indulgents avec les organes de propagande et désinformation massive que sont RT et Sputnik. Leur bannissement du territoire européen est la seule solution. Il n’est plus acceptable de les voir déverser leur propagande de guerre et saper les fondements du débat public européen.
3/ Soutenir l’Ukraine c’est aussi écouter ce que nous demande le Président Zelensky et il nous demande de l’aide et des armes pour défendre son pays et protéger sa population. Les Européens ont entendu cette demande. C’est la traduction concrète, immédiate de l’Union des Européens avec le peuple ukrainien et l’affirmation de l’Europe puissance que nous défendons.
Il ne nous demande pas en revanche une grande conférence sur les frontières, les frontières n’ont d’ailleurs pas être négociées, mais elles doivent être dans cette période assurées.
J’entends aussi les voix de ceux qui « au nom de la paix » souvent les mêmes d’ailleurs s’opposent à l’aide à l’Ukraine et aux livraisons d’arme. « Au nom de la paix » nous disent-ils ? Mais refuser d’aider l’Ukraine à se défendre, ce n’est pas favoriser la paix et ils le savent, c’est abandonner l’Ukraine aux mains des hommes. Voilà la réalité de ce qu’ils proposent.
Mais au-delà de la situation militaire, il y a par ailleurs une urgence humanitaire à traiter.
L’Europe vit en effet l’un des plus grands exodes sur son territoire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ces derniers jours, près de 700 000 Ukrainiens ont quitté leur pays pour rejoindre l’UE. Des millions d’autres sont sur les routes.
Tous sont les victimes du cynisme de Poutine et de ses alliés.
Tous doivent savoir qu’ils sont les bienvenus en Europe et qu’ils seront bien accueillis. Notre devoir le plus élémentaire est de sauver et de protéger, ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont vécu et fuient l’enfer des bombes russes.
Enfin, mes chers collègues soutenir l’Ukraine, c’est reconnaitre l’aspiration européenne de son peuple. Le Président Zelensky a signé hier une demande soutenant le statut de candidat à l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Le Parlement européen a soutenu aujourd’hui cette volonté dans une résolution. Je partage bien entendu cette position.
Travailler en Européens pour octroyer ce statut, cela ne veut pas dire que l’Ukraine adhérera demain à l’UE. C’est un processus long. Mais cela veut dire très clairement que l’avenir de l’Ukraine est au sein de la famille européenne.
C’est le message que les Ukrainiens nous ont écrit en lettres de feu, par leur combat acharné et héroïque en faveur de la liberté.
Mes chers collègues, ce conflit effroyable nous révèle enfin la nécessité de renforcer l’Europe afin qu’elle devienne une puissance souveraine, indépendante et capable de défendre ses peuples et ses valeurs. Et nous voyons d’ores et déjà que, contraints par les événements, les Européens ont agi en ce sens à une vitesse extraordinaire.
Qui aurait pu croire, il y a de cela une semaine, que l’UE deviendrait une puissance militaire capable de mettre au point une véritable unité stratégique ? Que des pays, comme notre voisin allemand, changent radicalement sa position sur les questions de défense ? L’Union européenne se réveille, nous vivons une révolution de la puissance. Il faudra poursuivre cet effort sur le temps long.
Enfin, la souveraineté de l’Europe se gagnera aussi par son indépendance énergétique. C’est là une autre grande leçon à tirer de cette guerre. Si nous voulons être pleinement souverains, alors nous ne pouvons plus dépendre d’approvisionnement d’extra-européens, du gaz russe ou d’énergies fossiles venues du bout du monde. Nous devons mener à son terme cette révolution énergétique. D’abord pour notre environnement, ensuite pour notre sécurité et notre indépendance.
CONCLUSION
Mes chers collègues, nous ignorons encore quelle sera l’issue de cette guerre odieuse. Mais il est certain que nous ne sommes déjà plus dans le monde d’avant. Dans les heures et dans les jours à venir tout dépendra de la résistance ukrainienne mais aussi de notre capacité à nous européens de continuer à opposer un front uni et à rester debout.
Oui, défendre nos valeurs démocratiques à un prix. Un prix déjà élevé. Les Ukrainiens le payent en bombes russes et en morts civils. Nous aurons peut-être à le payer économiquement. Mais si nous ne sommes pas prêts à payer ce prix maintenant au nom de la souveraineté de l’Ukraine, au nom des valeurs qui fondent notre Europe, au nom de l’idéal européen, alors ce sont les générations futures qui auront à payer un prix infiniment plus élevé : celui de la guerre et de la division. Je ne veux pas, nous ne voulons pas de la guerre pour nos enfants.
Pour lors, l’heure est au soutien du peuple ukrainien et du président Zelensky dont la vaillance fait l’admiration du monde.
Il a demandé aujourd’hui que nous n’abandonnons pas l’Ukraine. Qu’il sache s’il nous écoute que nous sommes à ses côtés, aux côtés du peuple ukrainien. L’avenir de l’Europe et de l’Ukraine s’écrira en commun.
Je vous remercie.