Etre citoyen européen, ça n’a pas de prix !

Alors que la Commission européenne a présenté aujourd’hui un rapport sur les « golden visas » (ou visas dorés), il n’est pas inutile de rappeler cette règle fondamentale qui façonne notre identité d’Européens : être citoyen européen, ça n’a pas de prix !

Mais de quoi parle-t-on ? Les « golden visas » désignent la pratique par laquelle il est possible d’acquérir la nationalité d’un pays de l’Union européenne moyennant des investissements conséquents dans ledit pays.

Cette pratique s’observe, depuis le début des années 2010, dans plusieurs pays de l’Union – parmi lesquels Malte, Chypre, l’Autriche et la Bulgarie. Grâce à cette réglementation particulièrement adaptée aux milliardaires, il est possible de devenir citoyen européen en quelques mois.

A Malte par exemple, une personne peut acquérir la citoyenneté en échange d’un investissement de 650 000 euros et 150 000 euros en actions ou en bons d’État. A Chypre également, des promesses de nationalité et de passeport européen sont faites aux oligarques qui y investissent 2 millions euros, sans obligation de résidence. L’Autriche accorde elle la nationalité à ceux qui ont rendu « des services exceptionnels » au pays ou y investissent 10 millions d’euros. Pour 500 000 euros d’investissements dans l’immobilier – ou 1 million d’euros dans une entreprise avec la promesse de créer 10 emplois -, le Portugal délivre un permis de résidence qui ouvre droit à la nationalité cinq ans plus tard.

En octroyant la nationalité de leur pays moyennant argent, ces Etats membres doivent bien prendre conscience qu’ils accordent aussi la citoyenneté européenne, avec l’ensemble des droits qui en découlent, dont la libre circulation et l’accès au marché intérieur.

Au-delà des interrogations d’ordre moral qu’elle soulève, cette vision mercantile de la citoyenneté européenne ne va pas sans poser de problèmes, que la Commission européenne recense dans son rapport.

Des problèmes de sécurité, puisque les contrôles auxquels sont soumis les demandeurs des golden visas ne sont pas suffisamment rigoureux et les systèmes d’information centralisés propres à l’UE, tels que le système d’information Schengen (SIS), ne sont pas utilisés aussi systématiquement qu’ils devraient l’être.

Des problèmes de fraude fiscale et de blanchiment d’argent ensuite, tant cette pratique contribue à brouiller les échanges automatiques d’informations bancaires, leviers principaux de lutte contre ces types de fraude.

Des problèmes de transparence, le rapport faisant état de l’absence d’informations claires sur la manière dont ces programmes sont gérés, y compris sur le nombre de demandes reçues, rejetées ou ayant abouti et sur les origines des candidats.

La Commission européenne fournit des recommandations aux Etats membres afin qu’ils renforcent les contrôles préalables à la délivrance de « golden visas ». L’action de la Commission européenne n’est pas dénuée d’effets puisqu’en parallèle de la publication de ce rapport, la Bulgarie a d’ores et déjà annoncé qu’elle mettrait purement et simplement fin à cette pratique.

La citoyenneté européenne ne saurait faire l’objet d’un business aussi lucratif que douteux, surtout à une période où 75 % des citoyens européens estiment que l’Union européenne devrait agir plus en matière de fraude fiscale.

Alors, il convient de saluer l’action de la Commission vis-à-vis de ces « golden visas », qui s’est engagée à suivre les questions de conformité avec le droit de l’Union soulevées par les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement, et qui mettra prochainement en place un groupe d’experts des États membres chargé de renforcer la transparence, la gouvernance et la sécurité de ces programmes.

Mais il sera nécessaire de rester vigilant, et c’est là une question de crédibilité, car l’Union européenne ne pourra prétendre apporter des réponses au dérèglement de la finance internationale si elle ouvre elle-même sa porte à toutes formes de dérives fiscales.

Pieyre-Alexandre Anglade

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